mardi 30 avril 2013

« Grand maître » de Jim Harrison: Faux polar pour vraie Amérique


A 75 ans, Jim Harrison signe un roman sublime de justesse sur un flic en déclin. Une histoire humaine corsée sur la mort, l’amour et la désillusion.




Depuis « Légendes d’automne » à « La route du retour » en passant par « Wolf », « Dalva », « En marge », « L’été où il faillit mourir », l’univers de Jim Harrison est complexe. Rien n’y est jamais définitivement dit. Rien n’y est jamais résolument décidé. Tout flotte jusqu’au bout, et au-delà de la fin, pour raconter de simples passages d’une vie, sur fond de crise identitaire, de dépression, de fin de cycle. Pour Grand Maitre, dernier roman, indiqué par l’auteur lui-même comme un faux polar, on fait connaissance avec Sunderson, un flic sur le retour, décapé, usé, las et désabusé. Vieilli et dépassé par les êtres et les choses, à soixante-cinq ans, Sunderson part dans quelques jours à la retraite. Sa carrière de policier est déjà derrière lui. Mais il s’obstine à résoudre le dossier bizarre de Grand Maitre. Non pas qu’il veuille en faire un dernier baroud d’honneur, mais il a juste envie d’aller au bout de quelque chose, faute de mieux. L’affaire est pourtant simple. Un chef de secte accusé de viol sur mineure. N’allons pas chercher des indices, des preuves et une enquête hollywoodienne. Rien de tout cela n’intéresse Jim Harrison. Le faux roman policier n’a même pas besoin de créer la tension, par un pseudo suspense.

Contre l’oubli

Quand l’auteur lance son « héros » derrière Grand maitre, c’est moins pour capturer  ce dernier que pour nous montrer qui est Sunderson. C’est là où réside la force de l’écriture de l’auteur  de Faux-jour. Tout le roman se construit alors sur la déprime d’un homme qui a fini de vivre. Il est dans les arrêts de jeu, mais il n’y a plus ni spectateurs, ni enjeux, ni intérêt à ce que cette partie aille au bout. Pourtant, comme une fatalité, il faut aller de l’avant, vers où ? Peu importe. Mais aller, bouger, se mouvoir, créer de l’air, faire du bruit, respirer, tenir haleine.
C’est finalement pour ne pas capituler devant soi qu’il est indiqué qu’il faut finir le job. En route, on ne sait jamais sur quoi on tombe. Sunderson, qui est aussi un peu Jim Harrison, qui flirte avec les 80 ans, sait quelque part qu’il peut donner un nouveau sens à son existence. Quand le flic croise le chemin de Mona, une jeune  voisine, très spéciale, et porté sur la nudité,  son regard rincé aux contours érotiques de la jeune femme, sait qu’à coté de sa passion pour la truite qu’il pêche dans les rivière alentour, Mona est le clef pour faire tomber les défenses de la vieillesse, et reprendre goût à autre chose. Et pourquoi pas l’amour ?

Editions Flammarion

« La veuve aux pieds nus » de Salvatore Niffoi


L’auteur italien signe un roman très actuel sur fond de fascisme. En pleine Sardaigne, c’est le destin d’une femme en devenir qui s’écrit en beauté.



Le décor est planté. Nous sommes en Sardaigne. Son climat bien particulier, sa douceur de vie, sa nature et ses multiples atmosphères.  C’est là que Mintonia, une petite fille, a crée son terrain de jeu. Sa grande occupation est de courir dans les champs, dans la verdure, bercée par le soleil, pieds nus. Paysanne, elle est aussi atypique. Un peu révoltée, elle a décidé d’apprendre à lire et à écrire pour forcer la vie à changer. Elle apprendra si bien qu’elle finira lettrée et racontera sa propre histoire de veuve aux pieds nus. On est donc face à un journal destiné à une nièce, qui finit en chapitre immense de vie, donnât corps à ce roman jubilatoire de Salvatore Niffoi. Mintonia aura donc vécu assez pour écrire et avant cela voir son mari, Micheddu, un rebelle opposé au fascisme, tombé sous la dictature. Toute l’aridité de la Sardaigne éclate alors au grand jour pour révéler un monde cruel qui défile en filigrane et sur lequel s’imprime le destin de la veuve. Salvatore Niffoi signe ici un roman juste et humain sur l’amour d’une femme. Sur la solitude après la perte d’une bonne raison de vivre. Un roman d’histoire où se lit une partie de l’héritage de cette Italie, tellement belle, et si insaisissable. Avec un style épuré, sans trop de détails, l’auteur italien axe son écriture sur la marche de la veuve aux pieds nus avec une telle profondeur que l’on voit grandir cette gamine et se destiner à devenir un personnage clef de la littérature italienne actuelle.


Editions Flammarion. 

«Les Cantos» d’Ezra Pound






Il s’agit là de l’œuvre maitresse du grand écrivain et penseur américain Ezra Weston Loomis Pound (1885-1972). Les cantos, présentés ici dans une nouvelle édition, complète, est  le fruit d’un travail d’écriture qui aura duré 45 ans. L’écrivain et musicien y a travaillé tout au long de sa vie comme son Graal, sa pierre philosophale. C’est un poème épique moderne, l’un des plus fourni, les mieux écrits, le moins pédant, le plus juste sur la vie, l’amour, l’existence, Dieu, les dieux, les femmes, le sexe, la perdition, l’errance, l’histoire, la joie, la création, l’art et la beauté. Après la sortie des Cantos dans les années 1980, ils ont été très vite épuisés. Plus un exemplaire tant le livre a crée une onde de choc dans les milieux littéraires en Occident. On a alors découvert un trésor caché. Une réelle pièce d’archéologique scripturale moderne. Avec cette nouvelle sortie, enrichie de plus de cent vingt pages, on découvre  l’un des textes qui ont façonné la poésie du XXème siècle tant dans l’approche que dans le style, le rythme et les thématiques. L’auteur, entre autres, du Le travail et l’usure, Je rassemble les membres d’Osiris ou encore le très fort, La Kulture en abrégé, a laissé derrière lui une œuvre déjà immense, qui occupe une belle place dans les lettres modernes, mais Les cantos demeurent une apothéose.
Editions Flammarion. 

vendredi 26 avril 2013

Espaces sauvages de Jim Fergus: Une ballade américaine


L’auteur américain de mille femmes blanches signe un roman au scalpel sur une certaine Amérique. Livre visionnaire aux multiples tonalités. Un bonheur de lecture.



C’est finalement l’histoire de la découverte d’un territoire. Autant mental que physique. Jim Fergus, excellent narrateur, doublé, d’un analyste sans merci, signe là un livre pour la postérité. Espaces sauvages est un hymne à la grandeur de la nature. Mais aussi un chant chamanique qui condense passé et futur. «Cela fait vingt ans que j'ai écrit ce livre. J'en ai oublié les détails mais il reste mon livre préféré. Je me souviens de la facilité avec laquelle je l'ai écrit. D'une traite. Je l'avais ordonné dans ma tête pendant mon voyage. Ce livre qui était mon premier a été bien reçu même par les critiques du New York Times ou du Los Angeles Times qui, d'habitude, ne s'intéressent pas à ce genre d'ouvrages sur la nature et la chasse, jugés trop pointus. Or, la chasse était pour moi un moyen d'entrer dans le paysage américain.» en effet, l’histoire même de ce livre est un roman. L'écrivain américain, auteur de Mille Femmes blanches et de Marie-Blanche (Cherche Midi), a raconté son rêve d'enfance en 1991 dans A Hunter's Road. A Journey With Gun and Dog Across The American Uplands. Son éditeur parisien a décidé de le traduire et de le publier en 2011. Le roman est simple. À l'aube de sa quarantième année, Jim Fergus s'engage pour un périple à travers les États-Unis comme le faisaient les Indiens nomades à la poursuite du gibier. L'homme prend route au volant d'une camionnette et roule derrière des chasseurs partageant sa passion. Au bout de 30.000 kilomètres, il pense avoir trouvé un sens à sa vie et un certain regard sur qui il est.
Editions Cherche Midi 

Hommage: Mohamed Kacimi, le peintre de l’humain


Mohamed Kacimi est le peintre de l’éclat, de l’amour, de la passion, de l’oubli, de la mémoire, du pardon et de la colère. Il était l’une des voix picturales les plus fortes dans les annales des Arts plastiques au Maroc. C’était un homme simple, généreux, discret, qui a laissé le temps imprimer sur son œuvre une teinte d’éternité.  




Un matin chez Kacimi, quelques semaines avant sa mort.  C’était à Temara où il avait élu domicile. Le bonhomme avait son visage rayonnant de générosité qui  accueillait tout le monde avec le même bonheur. La rencontre de l’autre était pour lui primordiale.  Tout respirait le peintre et l’artiste. Un véritable poète des livres, des coupures de presse, des esquisses donnaient à l’espace un air de déjà vu. Un aspect familier qui nous fait sentir qu’on était chez soi. Avec le temps, nous avons appris que ce n’étaient pas seulement les choses et leur appropriation de l’espace qui donnaient cette belle impression, mais l’homme qui habitait ces objets. Kacimi est de ceux qui traversent nos vies et nous laissent une gerbe de miel qui distille ses volutes innocentes dans notre sang. On avait échangé des mots sur la simplicité de l’être, sur l’amour des autres, le sens de la liberté. Kacimi avait laissé échapper une phrase qui  rappelle un autre grand peintre à Georges Braque : “nous traversons le monde à la fois en silence et avec un grand éclat”.  Kacimi avait pris place, le geste posé qui parcourt l’air comme au ralenti, un port de tête d’une extrême humilité, un regard d’une douceur d’un autre âge.

Le peintre de l’Homme

C’était sa présence qui disait ces mots. Un corps et une allure s’étaient substitués aux phrases. Silence et éclat de vie. Pour lui ; qui était aussi grand poète, l’homme doit célébrer son semblable, l’homme toujours debout, en permanence, refusant de plier l’échine.  Et toute sa peinture est un paysage où se tissent des vies humaines, des révoltes, des soumissions, des exagérations, des coups, des éraflures, des blessures, des scalps qui portent en tribut toute la vulnérabilité humaine. Jamais chez Kacimi l’homme n’a  été saisi dans un moment de faiblesse négative. Jamais chez lui la tension qui préside aux rapports de l’Etre et de son espace de vie ne sont réduits aux contingences résiduelles. Il prend la signification du chemin de la vie dans son sens le plus présocratique. Souvent ses grands formats, avec ses silhouettes ancrées dans l’âge du temps, rappellent tel ou tel fragment d’Héraclite d’Éphèse, qui se fait l’écho de cette prophétie de Hölderlin : « l’homme doit habiter poétiquement la terre ». Kacimi ne le trace pas en lignes de braises sur le fond tumultueux de ses toiles ni sur les pages chargées de ses poèmes, mais il a essayé de le vivre. 


Rage intacte

Une image nous reviendra toujours sur cette unité tant voulue dans l’oeuvre de Kacimi. Un jour, le peintre avait accroché des tissus colorés par l’azur des jours, sur les parois des falaises de la Harhoura.  C’est cette universalité, à la fois poétique, métaphysique et philosophique, qui rend le travail de Kacimi si enraciné dans nos vies. Si sa peinture est un haut témoignage de la force de l’Etre, elle est aussi une rage qui ne dit pas sa colère. Mais on sent que cette courbe humaine qui va au-delà des contours de la toile restera à jamais en colère, jusqu’au bout de la nuit. Elle déversera sa bile en la transmuant en art, en beauté. Comme ses teintes rougeâtres qui viennent délimiter sans le couper l’espace où l’homme de Kacimi décide de faire un pas.  Comment est-il possible de rester cloué à un endroit sans faire partir le monde en mille éclats ? Mais c’est fait, rétorque le poète. Et à chaque instant, l’un de nous fait un pas de géant dans ce monde où la lumière n’est qu’intérieure. Mais est-ce suffisant de mener une course dans les tripes, de garder son haleine de marathonien ajournée pour des temps immémoriaux ? Non, elle est déployée dans le grand large des instants comme une rose dans un désert de sable noir…
 Avec le temps…
      L’un des plus grands moments de la peinture aura été cette exposition sur la guerre en Irak. Mohamed Kacimi exposait ses toiles à la Galerie Al Manar. Le peintre couche des couleurs et des formes sur l’étendue de la nuit, celle qui frappe le monde. Ça et là des fragments, des particules humaines qui sont l’essence même de l’existence, déchiquetées. Il nous livre une humanité désemparée, des visages imaginaires passés à la chaux blanche de la haine, effacés par le meurtre et la cupidité. C’était là l’une des expositions du peintre les plus virulentes, les plus engagées, les plus humaines. L’homme y était disloqué, hagard, fou.  L’humanité y paraissait sous des haillons de vieilles reliques que l’on abandonne sur la route pour que le charnier prenne corps et que la folie festoie. Kacimi avait peint ce jour-là le sang de l’humain sur la surface plane d’un mur que rien ne pourra faire tomber. Le peintre avait jeté sur le monde un autre regard, encore un, toujours le même, plein d’amour, gorgé de passion… Un regard d’oracle.


Hommage: Mohamed Kacimi, le peintre de l’humain


Mohamed Kacimi est le peintre de l’éclat, de l’amour, de la passion, de l’oubli, de la mémoire, du pardon et de la colère. Il était l’une des voix picturales les plus fortes dans les annales des Arts plastiques au Maroc. C’était un homme simple, généreux, discret, qui a laissé le temps imprimer sur son œuvre une teinte d’éternité.  





Un matin chez Kacimi, quelques semaines avant sa mort.  C’était à Temara où il avait élu domicile. Le bonhomme avait son visage rayonnant de générosité qui  accueillait tout le monde avec le même bonheur. La rencontre de l’autre était pour lui primordiale.  Tout respirait le peintre et l’artiste. Un véritable poète des livres, des coupures de presse, des esquisses donnaient à l’espace un air de déjà vu. Un aspect familier qui nous fait sentir qu’on était chez soi. Avec le temps, nous avons appris que ce n’étaient pas seulement les choses et leur appropriation de l’espace qui donnaient cette belle impression, mais l’homme qui habitait ces objets. Kacimi est de ceux qui traversent nos vies et nous laissent une gerbe de miel qui distille ses volutes innocentes dans notre sang. On avait échangé des mots sur la simplicité de l’être, sur l’amour des autres, le sens de la liberté. Kacimi avait laissé échapper une phrase qui  rappelle un autre grand peintre à Georges Braque : “nous traversons le monde à la fois en silence et avec un grand éclat”.  Kacimi avait pris place, le geste posé qui parcourt l’air comme au ralenti, un port de tête d’une extrême humilité, un regard d’une douceur d’un autre âge.

Le peintre de l’Homme

C’était sa présence qui disait ces mots. Un corps et une allure s’étaient substitués aux phrases. Silence et éclat de vie. Pour lui ; qui était aussi grand poète, l’homme doit célébrer son semblable, l’homme toujours debout, en permanence, refusant de plier l’échine.  Et toute sa peinture est un paysage où se tissent des vies humaines, des révoltes, des soumissions, des exagérations, des coups, des éraflures, des blessures, des scalps qui portent en tribut toute la vulnérabilité humaine. Jamais chez Kacimi l’homme n’a  été saisi dans un moment de faiblesse négative. Jamais chez lui la tension qui préside aux rapports de l’Etre et de son espace de vie ne sont réduits aux contingences résiduelles. Il prend la signification du chemin de la vie dans son sens le plus présocratique. Souvent ses grands formats, avec ses silhouettes ancrées dans l’âge du temps, rappellent tel ou tel fragment d’Héraclite d’Éphèse, qui se fait l’écho de cette prophétie de Hölderlin : « l’homme doit habiter poétiquement la terre ». Kacimi ne le trace pas en lignes de braises sur le fond tumultueux de ses toiles ni sur les pages chargées de ses poèmes, mais il a essayé de le vivre. 


Rage intacte

Une image nous reviendra toujours sur cette unité tant voulue dans l’oeuvre de Kacimi. Un jour, le peintre avait accroché des tissus colorés par l’azur des jours, sur les parois des falaises de la Harhoura.  C’est cette universalité, à la fois poétique, métaphysique et philosophique, qui rend le travail de Kacimi si enraciné dans nos vies. Si sa peinture est un haut témoignage de la force de l’Etre, elle est aussi une rage qui ne dit pas sa colère. Mais on sent que cette courbe humaine qui va au-delà des contours de la toile restera à jamais en colère, jusqu’au bout de la nuit. Elle déversera sa bile en la transmuant en art, en beauté. Comme ses teintes rougeâtres qui viennent délimiter sans le couper l’espace où l’homme de Kacimi décide de faire un pas.  Comment est-il possible de rester cloué à un endroit sans faire partir le monde en mille éclats ? Mais c’est fait, rétorque le poète. Et à chaque instant, l’un de nous fait un pas de géant dans ce monde où la lumière n’est qu’intérieure. Mais est-ce suffisant de mener une course dans les tripes, de garder son haleine de marathonien ajournée pour des temps immémoriaux ? Non, elle est déployée dans le grand large des instants comme une rose dans un désert de sable noir…
 Avec le temps…
      L’un des plus grands moments de la peinture aura été cette exposition sur la guerre en Irak. Mohamed Kacimi exposait ses toiles à la Galerie Al Manar. Le peintre couche des couleurs et des formes sur l’étendue de la nuit, celle qui frappe le monde. Ça et là des fragments, des particules humaines qui sont l’essence même de l’existence, déchiquetées. Il nous livre une humanité désemparée, des visages imaginaires passés à la chaux blanche de la haine, effacés par le meurtre et la cupidité. C’était là l’une des expositions du peintre les plus virulentes, les plus engagées, les plus humaines. L’homme y était disloqué, hagard, fou.  L’humanité y paraissait sous des haillons de vieilles reliques que l’on abandonne sur la route pour que le charnier prenne corps et que la folie festoie. Kacimi avait peint ce jour-là le sang de l’humain sur la surface plane d’un mur que rien ne pourra faire tomber. Le peintre avait jeté sur le monde un autre regard, encore un, toujours le même, plein d’amour, gorgé de passion… Un regard d’oracle.

Limiter les détentions préventives, un début de solution


Plus de 46 pour cent des détenus au Maroc sont en situation de détention préventive. Cela coûte au pays  des sommes colossales. Pourtant, malgré les appels répétés de l’observatoire marocain des prisons et des ONG nationales et internationales pour limiter les frais à ce niveau, le gouvernement marocain fait la sourde oreille. Presque la moitié des prisonniers marocains attendant un jugement. Alors que l’on peut poursuivre de très nombreux accusés en situation de liberté provisoire sans engorger les prisons, en limitant les dépenses de l’Etat et en résolvant le problème du surpeuplement. Pour des délits sans la moindre gravité, des détenus croupissent durant des mois, voire plus, derrière les barreaux. Cela coûte en places, en nourritures, mêmes sommaires, en heures de travail pour les fonctionnaires. L’autre point important est relatif à des peines qui peuvent servir la communauté sans remplir les chambrées des prisons déjà pleines à craquer. Pour des broutilles, en envoie des gens en taule. On peut sévir en les condamnât à fournir des travaux d’intérêt général comme cela est le cas dans d’autres pays qui ont pu juguler les problèmes du surpeuplement. Il est possible de payer ses dettes à la société en la servant sans passer par la case prison. C’est un bien pour tous. Tout le monde y gagne : le pays, les détenus et la société. 

La dialyse entre prises en charge et coûts des soins: Le chemin de croix des dialysés au Maroc


Chaque année, ce sont 4 000 nouveaux insuffisants rénaux qui doivent avoir recours à la dialyse au Maroc.
En 2012, plus de 2 000 patients ont été inscrits sur les listes d'attente des hôpitaux publics. Et le nombre des patients à atteint les 13 500 patients.


Aicha à 56 ans. Elle en paraît 70. Amaigrie, le visage émacié, les yeux sont creusés par la fatigue et la maladie. Quand elle parle, elle halète. Chaque mot qui sort de ses lèvres sèches est un effort qui lui pompe  tout ce qui lui reste d’énergie. Elle souffre d’insuffisance rénale depuis plus de dix ans. La maladie la contrainte à quitter le travail, très tôt. Son mari et sa famille s’occupent d’elle, payent les frais médicaux et surtout les terribles séances de dialyse dont elle a besoin pour continu er de vivre. «Cela fait des années que je suis sous dialyse et à chaque séance, j’ai peur. On ne s’habitue jamais à ce type de choses », assène-t-elle d’une voix éteinte. C’est simple, sa vie  se résume en peu de choses. Mais ce peu est énorme. Analyses médicales. Médicaments à vie. Séances de purification de sang. Le reste est un combat à vie pour ne pas mourir…très vite. La paradoxe de la vie d’Aicha est que c’est son calvaire de toutes les semaines qui lui permet d’espérer. Sous hémodialyse ou dialyse comme on préfère le dire, elle est soumise à trois séances d’épuration sanguine par semaine, dans un centre d’hémodialyse sous la responsabilité de son néphrologue. La séance dure quatre heures en moyenne. (voir encadré). Inutile de décrire le parcours du combattant de cette femme fluette qui entre épuisée au centre et en ressort au bout de quatre heures éreintée, avec toujours cet hématome qui rappelle la longue et douloureuse séance de pompage de son sang pour le purifier.

Epée de Damoclès

Le chemin de croix d’Aicha est vécu, avec plus ou moins de patience par plus de 10 000 patients qui ont été dialysés au Maroc en 2011 dans 167 centres, publics et privés. La dialyse coûte environ 14 000 dirhams par mois. Ce tarif ne comprend pas les médicaments, les bilans biologiques et les éventuelles complications. Dans certains cas, les malades ont plus de 20 ans d’ancienneté en dialyse. Chaque année ce sont 4000 nouveaux cas qui s’ajoutent aux listes. Ce chiffre progresse de 5 à 8% par an.  Sur  plus de 13 000 patients, seuls 10 000 bénéficient du traitement. Plus de 3 000  autres patients ne bénéficiant pas de couverture médicale. Ils sont donc inscrits sur les listes d’attente des hôpitaux publics. Pour les patients relevant de la CNOPS, la prise en charge est totale. En ce qui concerne, les patients relevant de la CNSS, ils ne sont couverts qu’à 70%. Les 30% restants sont à leur charge. Souvent les malades sont incapables de tenir la cadence des séances qui sont très chères.  Alors ils  ne se soignent plus. L’autre épée de Damoclès qui planent sur les têtes des malades, c’est le risque de perdre son travail. Là aucune prise en charge n’est p possible. Ce qui équivaut à un arrêt de mort.  Quand on sait que les coups varie, selon les  centres entre 700 dhs et 1500 dhs la séance de dialyse. Pour une fréquence de trois passages au centre par semaine. Il faut avoir des ressources. Ceci en dehors des analyses et des radios de contrôle. Comme le souligne à juste titre le Dr Amal Bourquia, « le taux de rentabilité baisserait de 50% chez un patient hémodialysé et le taux de chômage serait de l’ordre de 40%. » En effet, face à la maladie qui paralyse les patients, certains sont contraints de mettre un terme à leurs activités.
Pour cette auteure de 12 ouvrages de référence sur les maladies rénales pour aider les patients à mieux connaître leurs maladies et surtout comment la prévenir,  les patients sont obligés d’avancer l’argent pour acheter les médicaments nécessaires en dialyse avant de se faire rembourser ce qui oblige certains d’entre eux à abandonner le traitement avec des conséquences terribles pour leur santé.

Greffe de reins

Il faut aussi savoir que les maladies rénales touche pas moins de 3 millions de Marocains. Parmi ces pathologies, l’insuffisance rénale chronique (IRC) «est une maladie grave qui entraîne une détérioration graduelle et irréversible de la capacité des reins à filtrer le sang et à excréter certaines hormones. Elle résulte des complications du diabète, de l’hypertension ou d’autres maladies. »,  comme le précise la néphrologue Amal Bourquia. Pour les malades, qui atteignent un stade avancé de la maladie, il ne reste  que deux solutions : la dialyse ou la greffe. Mais au Maroc, la greffe de reins demande aussi des moyens très élevés. Ce n’est pas tout le monde qui peut recourir à cette chirurgie de pointe pour sauver sa vie. On le sait, en 2011, 151 greffes à partir de donneurs vivants -le donneur devant avoir un lien familial avec le receveur- ont eu lieu au Maroc.   3 autres greffes ont été faites à partir de sujets en état de mort cérébrale. Ce qui donne un pourcentage de 5 greffes par million d’habitants et 7 par an depuis 1990. Pour les spécialistes marocains, c’est très peu  comparé à la demande de plus en plus grande de greffes. D’ailleurs, les chiffres nous montrent que 70% des Marocains transplantés l’ont été à l’étranger, en France, en Espagne et même en Egypte.  Surtout que le coût d’une greffe est de  250000 DH plus un forfait de traitement de 8000 DH l’année de la greffe qui baisse à 6 000 DH les années suivantes.
On le voit bien, le seul recours pour des milliers de malades reste la dialyse. Et là aussi, il faut une lutte matérielle, familiale et psychologique de tous les instants pour tenir et ne pas céder au désespoir. Pour Aicha, « tant que je suis entourée de ma famille, mon mari et mes enfants, j’ai la force d’aller jusqu’au bout. Et si un jour je peux me permettre une greffe, je serai la femme la plus heureuse. Je pourrais alors retrouver ma vie, et pourquoi pas me remettre à un travail pour oublier toutes ces années de calvaire.»

Hany Mustapha, le casque bleu de la Minurso incite les Sahraouis du Polisario à faire la révolution contre le Maroc


Un soldat égyptien de la Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (Minurso) a été filmé en train d’inciter des Sahraouis à se révolter contre le Maroc. Une vidéo, qui tourne en boucle sur Youtube, le montre en action, assis au milieu des populations leur donnant des conseils pour se révolter contre le gouvernement marocain.  En effet, le militaire égyptien qui s’appelle Hany Mustapha, s’est lancé dans une diatribe contre le Maroc en poussant les activistes du Polisario à faire la guerre au Maroc. Il leur a dit en substance «Cette terre est la votre et personne ne vous l'enlèvera, vous devez exploiter toutes les occasions pour vous révoltez à la manière des égyptiens à place Tahrir». 
 le soldat égyptien était accompagné d’un collègue à lui de nationalité argentine, appelé Julio Estibar Eduardo. Ils étaient tous les deux dans une réunion avec des membres du Polisario.   Le militaire égyptien, portait son treillis et ses insignes de casque bleu.  Il criait et haranguait l’assistance de manière très explicite alors qu’il n’a aucun droit d’interférer dans le conflit. Son rôle est d’être neutre et impartial.  Il a clôt son discours passionné par ses mots : « «C'est grâce à la MINURSO que le Polisario est reconnu ayant droit au Sahara, il faut que vous sachiez comment mener votre lutte, travailler à peser le pour et le contre de chaque événement pour que vous en tiriez bénéfice». Il a également ajouté que «la MINURSO est dans l'intérêt du Polisario car sans elle, le Polisario ne peut pas survivre».


Les prisons marocaines souffrent de surpeuplement: 1000 prisonniers de plus chaque mois


Selon le rapport de l’Observatoire Marocain des Prisons,  la population carcérale au Maroc enregistre 1000 nouveaux détenus chaque mois. A Fin septembre 2012, le nombre des détenus a atteint les 70.675 contre 64.833 en 2011. Inquiétant et dangereux.


Les prisons marocaines souffrent de plusieurs maux. Trafics de drogues, violences entre fonctionnaires et détenues, agressions entre détenus, tentatives de suicide, grèves de la faim des salafistes, accusations de corruptions par plusieurs ONG, mais  le danger qu’il faut résoudre en urgence est le surpeuplement. En effet, un rapport présenté,  début avril 2013 par l’Observatoire marocain des prisons  tire la sonnette d’alarme et prévient des conséquences désastreuses pour les prisons marocaines et les détenus qui souffrent à cause du manque de places. Aucune prison ne déroge à cette fatalité du surnombre. Les 73 centres pénitenciers que compte le pays sont pointés du doigt. Dans la batterie des chiffres avancés par l’observatoire marocain, jusqu’à fin septembre 2012, le nombre des détenus a atteint les 70.675 contre 64.833 une année auparavant. L’association estime que la population carcérale se renforce mensuellement par l’arrivée de 1000 nouvelles personnes. Et à chaque arrivée, la situation des prisons devient plus préoccupante pour les ONG marocaines et internationales qui dénoncent le laisser-aller du gouvernement marocain, à l’égard des droits les plus élémentaires des détenus. Un point de vue partagé par  Hafid Benhachem, le directeur de l’administration des centres pénitenciers, qui met le gouvernement de Abdelilah Benkirane devant ses responsabilités  en arguant que ce dernier qui n’a pas répondu favorablement à sa demande de renforcer son équipe de 1600 nouvelles recrues en 2013. Un nombre de fonctionnaire qui est à même d’alléger un tant soit peu les charges de travail qui pèsent sur les gardiens face à un nombre important de détenus.

Situation intenable

Si des centres comme Ou kacha à Casablanca sont les premiers à souffrir du surpeuplement, il faut souligner ici que l’Observatoire national des prisons affirme qu’il n’y a pas une seule prison qui réponde aux normes en termes du respect du nombre de pensionnaires qu’elle peut accueillir.
 Dans ce sens, l’OMP a procédé à un classement des centres qui connaissent un fort surpeuplement.  Le pénitencier de Marrakech arrive en tête avec 168,14% de plus de sa capacité autorisée. Une situation intenable qui dure depuis plusieurs années malgré les cris d’alerte de plusieurs ONG.  Le deuxième centre est celui de Tiznit qui affiche un taux de 121,43% alors que la troisième place est attribuée à la prison d’Ain Kadouss de Fès avec 103,20%. Promiscuité,  insalubrité, problèmes de santé sérieux, bagarres, problèmes psychiatriques, tentatives de viol, c’est le quotidien des prisonniers dans des pénitenciers remplis à bloc.  Evidemment, pour les ONG  marocaines des droits de l’Homme, il faut d’abord résoudre le problème  du surnombre  pour régler d’autres fléaux qui entachent la réputation de la prison marocaine aux yeux de la communauté internationale.

Propositions  rationnelles
Il faut ici ajouter que l’Observatoire marocain a également établi des statistiques importantes qui rendent compte de la population carcérale en termes d’âge. On apprend que 68% des détenus sont âgés entre 21 et 50 ans, 8% entre 13 et 20 ans et 6% ont dépassé la cinquantaine.
Est-ce la une fatalité ? Les prisons marocaines sont elles condamnés à afficher ce triste visage entre horreur et mauvais traitements. Pour l’observatoire marocain des prisons  il y a des solutions à prendre en ligne de compte pour résoudre ce problème très grave. D’abord, la réduction de l'année carcérale à dix mois seulement. Ensuite  penser au calcul de l'incarcération nocturne en tant que demi-journée d'emprisonnement. Adopter l’approche de la rationalisation de la détention provisoire  qui touche plus de 46% des détenus. Réduire sa durée, mettre en œuvre le contrôle judiciaire, œuvrer à abolir les peines d'emprisonnement pour certains délits dont notamment les petits et de les remplacer, comme cela est en vigueur sous d’autres cieux, par des travaux d’intérêt général pour la société. Ce sont là des propositions rationnelles, logiques qui peuvent s’avérer efficace. La question est pourquoi le gouvernement marocain ne veut pas les adopter ? Et pourquoi ces mêmes gouvernements qui se succèdent n’ont jamais  pris la juste mesure de la situation carcérale dans le pays ? Des prisons  à visage humain sont aussi un grand indicateur de la marche de la démocratie d’un Etat qui se respecte.




jeudi 25 avril 2013

Pour qui sonne le glas…


Douche allemande. Bien froide, mais elle n’a pas eu l’effet revigorant escompté, mais juste une lessive dans une machine allemande à l’ingénierie efficace. Quoi qu’il arrive dans les prochains jours, les prochaines semaines, le FC Barcelone aura été humilié, écrasé, dominé, laminé, traîné sur le gazon comme de pauvres âmes en peine, à l’image de leur star et icône Lionel Messi, inexistant, transparent, perdu, égaré au milieu d’une armada bavaroise. Dante, le solide défenseur brésilien du Bayern a même été le voir pour s’enquérir de sa santé, en plein match, tellement le petit argentin était très mal. Un geste de compassion de la part d’un grand joueur à l’égard d’un autre grand joueur, qui a été éclipsé par plus fort que lui.
Je l’ai écrit il y a quinze jours sur ces mêmes colonnes, à cet endroit précis en disant que Messi est la clef de la victoire du Barça mais aussi celle de sa déconvenue. Jouer pour un seul est une erreur. Cela a fait son temps, mais aujourd’hui le Barça est dépassé. Le jeu est collectif. Quand Messi marche les Catalans marquent et se régalent. Quand il piétine, ils perdent pied. C’est une réalité. Et les allemands, jouant collectifs, ont donné une grande leçon de football moderne à ce Barça qui a fait office d’école jusqu’à un certain 23 avril 2013.
Une page est tournée. D’ailleurs quand j’avais écrit que Zlatan était de loin meilleur que Messi, j’ai reçu tant de critiques et de sarcasmes. Certains fanatiques ont même avancées des injures sur mon blog. Mais j’ai raison. Messi est certes un très bon footballeur, mais il n’a pas le coffre pour encaisser. C’est un petit enfant encore friable qui  ne sait jamais gérer les grands défis. Et à chaque fois c’est vérifié. Face au Bayern ce n’était pas le classico l’opposant au Real où il pouvait donner dans la surenchère avec son compère Ronaldo. Là, il avait en face des noms comme Lahm, Schweinsteiger, Müller, Gomez, Ribéry, Robben, Alaba, Dante, Boateng, Martinez, tous capables de marquer, tous capables de défendre tous des stars solides dans la durée et qui ont assez de solidité pour souffrir. Le barça ne sait pas souffrir. Il veut humilier, mais il doit aujourd’hui accepter la fatalité de l’histoire.
Quand on chute de cette façon, on tire sa révérence et on essaie de se refaire une santé. C’est déjà arrivé. Le Milan AC des Gullit, Van Basten et Rijkaard avait dominé dans les années 90 et puis il a sombré.  Le Real aussi, l’Ajax, ce même Bayern qui est revenu depuis 2001 au top, la Juve et d’autres grands clubs. C’est la règle  du jeu. Et le Barça me semble assez obtus pour comprendre qu’il doit changer de vision, de philosophie de jeu et  s’adapter à la dure réalité celle qui dicte que la chute sera toujours plus dure. 

Sortie de « L’écume des jours » de Michel Gondry: Boris Vian est passé par là


Magnifique livre que L’écume des jours de Boris Vian. Un classique moderne. Un livre culte. On le retrouve aujourd’hui revu par Michel Gondry, qui a déjà signé des films comme Eternal Siunshine, The We and the I ou encore Human Nature. C’est donc l'histoire surréelle d'un jeune homme idéaliste et inventif. Colin, de son nom, qui rencontre Chloé. Celle-ci est une jeune femme qui incarne la nostalgie, la vie, le rêve dans ce qu’il a de plus fuyant et pur.  Tout tourne au drame dans ce mariage quand Chloé tombe malade d'un nénuphar qui grandit dans son poumon. Pour payer ses soins, Colin doit travailler dans des conditions de plus en plus  dur alors que tout autour d’eux fiche le camp par les fissures du temps.
Magnifique parabole sur la vie, l’absurdité des choses, les amis, les rêves et leurs corollaires les déceptions. Michel Gondry signe ici une fable moderne bien corsée, maîtrisée avec de bons acteurs autour d’Audrey Tautou et Romain Duris. Les deux acteurs frêles donnent du coffre à ce film, très fantasmagorique. Tout   y est décalé : les personnages, les situations, les dialogues, au grand bonheur d’un cinéma inventif, sans clichés, un cinéma  autre qui  ouvre des horizons devant la force de l’image et les multiples procédés narratifs.

Réalisé par Michel Gondry
Avec Romain Duris, Audrey Tautou, Omar Sy, Gad Elmaleh, Vincent Lindon, Alain Chabat, Charlotte Le Bon, Aïssa Maïga, Philippe Torreton

« Being Flynn » de Paul Weitz: De Niro dans un One Man Show magistral


Robert De Niro renoue avec ses grands rôles de composition dans Being Flynn, un drame urbain, ultra-moderne, sur les rapports d’un père et de son fils, par temps de grande crise.




Le film est tiré d’une histoire vraie. Celle de Nick Flynn, joué par un excellent Paul Dano. Le jeune homme trouve un boulot dans un refuge pour sans-abri et tombe sur son père, incarné par un Robert De Niro  impressionnant de force et de profondeur.  Le père est un ancien auteur qui n’a jamais marché. Il écrit  depuis toujours une œuvre qui n’a jamais vu le jour. Il sombre dans l'alcoolisme, après avoir quitté femme et enfant depuis très longtemps. Les retrouvailles avec son fils ne vont pas arranger les choses. Pire, les démons du passé ressurgissent, entre rage et colère.  En somme c’est cela pitch du film signé Paul Weitz à qui l’on doit Mon beau père et nous, une comédie loufoque, avec le même De Niro. Là, Paul Weitz franchit un cap et  se met à sonder les profondeurs humaines à travers un sujet tout ce qu’il y a de plus ancien, le filiation. Monsieur Flynn quitte sa faille, oublie son fils, tourne le dos à sa femme, (sobre Julianne Moore) et ne se retourne jamais en arrière. Et quand il tombe sur ce fils qu’il n’a jamais connu, il n’a aucune inclination naturelle pour le connaître, savoir qui il est. Clodo new yorkais, hautain et aigri (ce qui donne à De Niro des séquences d’acting d’une rare intensité), colérique et incontrôlable, il est plus préoccupé par son lit dans le refuge que par les espoirs de son rejeton qui veut devenir poète.

La mort du père
Toute la force de ce film, très intimiste est là. D’abord la vie du gosse. Un peu happé par les drogues. Il a une copine avec qui il couche. Mais l’amour ne s’infiltre pas dans son âme. Il est fermé. Cool, sympa, rigolo, blagueur, très ouvert au dehors, mais de l’intérieur c’est une tombe de secrets. Le suicide de la mère, la fuite du père. Le vide de la vie. L’avenir bouché. Il n’y a que ces âmes perdues qui sillonnent le macadam de New York qui lui tiennent compagnie et donnent un peu de sens à sa misérable existence. Mais il écrit. Cela, il le tient quelque part, de ce paternel disparu. Il écrit pour ne pas mourir. Il écrit pour faire revivre ce père et le tuer en même temps. C’est ce procédé, par procuration, basé sur l’écrit, qui fait de cet opus un grand film sur la paternité.
Finalement qui connaît bien son père ? Qui sait qui est cet homme qui sort, qui rentre, qui parle souvent pour meubler le temps, qui pense  à la vie, aux besoins, et oublie dans la foulée, que les enfants sont peut-être la seule œuvre valable sur laquelle il faut travailler au quotidien. Dans le cas de monsieur Flynn, il a passé une vie à remplir des carnets de notes, il s’est lancé dans une travail colossal pour rendre compte du monde, mais il n’aura ni écrit, ni connu le fils. Là, le film devient corsé, quand c’est le fils qui signe son premier recueil de poésie et qu’il invite son paternel à  venir assister à la signature de son texte. On aurait cru que c’est la fin du père. Il est là, réellement mort, car lui n’a pas écrit, mais sa progéniture oubliée, l’a bien fait. Il n’en est rien. Pas de pathos dans ce Flynn, il a écouté le texte du petit, il en a aimé des passages, puis il a repris sa vie, sa croisade contre ce monde qui l’a, pense-t-il, détruit. Oui, ce monde qui veut sa peau. Cette fuite, toujours vers nulle part, sert de moteur de vie. Sans elle, et la colère, Flynn serait six pieds sous terre. Il y tient plus qu’à la vie elle-même qu’il ne connaît pas finalement, puisqu’il aura toujours vécu à la marge de  qui il est. 
Being Flynn, un film sur la solitude des uns et des autres, mais surtout une grande descente dans les soubassements de l’espoir pour le décortiquer, l’éplucher, le plumer pour en révéler  une quelconque saveur, odeur, couleur, mais au final, l’espoir, c’est un leurre. Comme ce livre, ce roman d’une vie, qui existe, mais qu’on n’aura jamais lu. Robert De Niro signe ici une performance glaciale, métallique, hautement humanisée, avec ce qu’il faut de douleur repue d’elle-même, de rage non contenue, de fureur éclatée pour raconter un monde froid où les hommes ont perdu jusqu’à leur essence.

Réalisé par Paul Weitz. Avec Robert De Niro, Julianne Moore et Paul Dano