mardi 30 avril 2013

« Grand maître » de Jim Harrison: Faux polar pour vraie Amérique


A 75 ans, Jim Harrison signe un roman sublime de justesse sur un flic en déclin. Une histoire humaine corsée sur la mort, l’amour et la désillusion.




Depuis « Légendes d’automne » à « La route du retour » en passant par « Wolf », « Dalva », « En marge », « L’été où il faillit mourir », l’univers de Jim Harrison est complexe. Rien n’y est jamais définitivement dit. Rien n’y est jamais résolument décidé. Tout flotte jusqu’au bout, et au-delà de la fin, pour raconter de simples passages d’une vie, sur fond de crise identitaire, de dépression, de fin de cycle. Pour Grand Maitre, dernier roman, indiqué par l’auteur lui-même comme un faux polar, on fait connaissance avec Sunderson, un flic sur le retour, décapé, usé, las et désabusé. Vieilli et dépassé par les êtres et les choses, à soixante-cinq ans, Sunderson part dans quelques jours à la retraite. Sa carrière de policier est déjà derrière lui. Mais il s’obstine à résoudre le dossier bizarre de Grand Maitre. Non pas qu’il veuille en faire un dernier baroud d’honneur, mais il a juste envie d’aller au bout de quelque chose, faute de mieux. L’affaire est pourtant simple. Un chef de secte accusé de viol sur mineure. N’allons pas chercher des indices, des preuves et une enquête hollywoodienne. Rien de tout cela n’intéresse Jim Harrison. Le faux roman policier n’a même pas besoin de créer la tension, par un pseudo suspense.

Contre l’oubli

Quand l’auteur lance son « héros » derrière Grand maitre, c’est moins pour capturer  ce dernier que pour nous montrer qui est Sunderson. C’est là où réside la force de l’écriture de l’auteur  de Faux-jour. Tout le roman se construit alors sur la déprime d’un homme qui a fini de vivre. Il est dans les arrêts de jeu, mais il n’y a plus ni spectateurs, ni enjeux, ni intérêt à ce que cette partie aille au bout. Pourtant, comme une fatalité, il faut aller de l’avant, vers où ? Peu importe. Mais aller, bouger, se mouvoir, créer de l’air, faire du bruit, respirer, tenir haleine.
C’est finalement pour ne pas capituler devant soi qu’il est indiqué qu’il faut finir le job. En route, on ne sait jamais sur quoi on tombe. Sunderson, qui est aussi un peu Jim Harrison, qui flirte avec les 80 ans, sait quelque part qu’il peut donner un nouveau sens à son existence. Quand le flic croise le chemin de Mona, une jeune  voisine, très spéciale, et porté sur la nudité,  son regard rincé aux contours érotiques de la jeune femme, sait qu’à coté de sa passion pour la truite qu’il pêche dans les rivière alentour, Mona est le clef pour faire tomber les défenses de la vieillesse, et reprendre goût à autre chose. Et pourquoi pas l’amour ?

Editions Flammarion

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