mercredi 3 avril 2013

Le Livre d’Eli, après l’apocalypse


Ambiance post-apocalyptique pour un film où le sacré prend son sens de résurrection après la fin annoncée du monde. Un messie traverse les ruines du monde pour que la lumière soit grâce au livre d’Eli. Prophétique.





Un homme qui a tout perdu n’a que deux solutions pour se tailler une sortie digne. Abdiquer ou tenter un dernier baroud d’honneur. Les frères Hugues, co-réalisateurs de cet opus magistral sur le sacré, ont choisi de faire prendre du chemin à leur héro doublé d’un prophète des temps futurs. Un homme, rescapé d'un cataclysme planétaire, entend une voix lui dicter un sentier à suivre, au milieu des vestiges de l’humanité. S’ensuit un road-movie vers le rachat de soi en tentant de sauver les autres. 

Très vite, dans ce film, c’est à la guerre comme à la guerre. Et deux fois plus si une catastrophe nucléaire a balayé les dernières illusions de la race des hommes. Un homme vaut pour le nombre d’erreurs qu’il n’évite pas. Il vaut aussi par la qualité de ce qu’il mène comme chemin, ce qu’il essaime en cours de route. 

Denzel Washington, qui joue un Eli noir, prédestiné à sauver le monde et l’humanité, enjambe l’enfer et se trace une route vers l’Ouest, vers le soleil. La référence, par les temps qui court, au visage de Barack Obama n’est pas à exclure, pas plus que cette enseigne marquant en capitales le nom Busch sur un camion, explosé par des obus. 

On sait qui a initié la fin du monde et l’on saura, peut-être qui pourra le ressusciter. Cet homme a une besace et marche droit comme le destin. Il n’a que quelques armes et un livre pour tous bagages. Et une gourde d’eau, denrée rarissime qui vaut des vies sur le chemin de la rédemption vers le soleil. 

La messe est dite. La fin du monde est consommée. Demeurent quelques rescapés, des bribes d’humains qui survivent sur les décombres de ce qu’était le monde d’avant. Dans ce paysage lunaire, cendré, filmé en gris, en deux tons, couleur sépia, l’homme est un loup pour l’homme comme dans les écrits.   

Il y a une destination à toucher et sur le chemin, l’ennemi, une espèce d’esclavagiste post-moderne (sublime Gary Oldman) qui veut récupérer le livre d’Eli, seul espoir pour les hommes. Le film d’action entre en jeu, dans un travail de caméra entre vitesse d’exécution, balayage de champ et prises de vue tournantes. 

Au fil des bobines, cette traversée de la mort devient une chronique de la vie d’un homme et de son double. Noir et blanc, ni noir ni blanc. Mais deux êtres, deux entités, deux versions de la même volonté de vivre et de se dépasser dont les outils diffèrent. 

Et les finalités aussi. Dans un sens, c’est l’histoire des humains en mots simples qui décrivent l’impossibilité du savoir. Comme ce livre secret que le marcheur lit dans le noir et que l’esclavagiste veut détenir pour mieux écraser les hommes.

Voyage initiatique

D’emblée, ce film devient un voyage, une route, un chemin de traverse. Peu importe, cette quête et la course poursuite engagée derrière, l’histoire qui se tient dans ce duel entre Bien et Mal repose la question du sacré, après que l’homme ait épuisé toutes ses illusions de maître de l’univers.  Les apparences restent telles, mais leurs fluctuations ont pour but de nous emmener plus loin.  

D’abord le crime et son corollaire le pardon. Une notion ambiguë, mais réelle. Il faut bien lui trouver une source, ou alors la plonger dans l’absurde. Les deux versions sont valables dans ce film. Mais reste la question de la religion qui peut devenir le sens même du pouvoir. Dans ce film, on tranche. La religion peut asservir, mais si elle est utilisée avec sagesse, elle illumine la vie et nous fait sortir des ténèbres. 

Sauf que pour le Mal, pas de rédemption possible, malgré quelques relents pseudo-bibliques qui préfigurent que ce livre tant convoité est un manuel de survie pour sauver ce qui encore peut l’être. La faute, le sens du péché sont bannis de cette réflexion. Ce qui prime, ce sont les actes et leurs signifiances dans le moment. 

Le mal dit son nom quand le Bien tente de laisser encore un brin de chance à l’humain de se reconstruire par le sacré. Appuyé sur une mise en scène laconique, économe et sobre, le film livre une façon de faire qui ne rejoint aucun genre, en n’en créant aucun. 

Nous sommes à mi-chemin entre la littérature et le septième art. Entre deux frontières qui disent bien leurs noms. Le cinéma prend ici une dimension religieuse. Il devient l’art de mettre les images au service des pensées, les idées au service de ce qui fuit, comme ce paradis primal qui pourrait ne s’avérer que fantasme. 



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