mardi 23 avril 2013

« Vies voisines » de Mohamed Berrada: Cher Maroc des années 70


Dans un dialogue à trois voix, l’écrivain marocain Mohamed Berrada compose un portrait lucide du Maroc des années 1970. Dans ces Vies voisines, on retrouve la touche d’un grand auteur.



Tous les genres littéraires sont condensés dans un seul. On passe du roman, récit au conte, de l’entretien aux lettres, du théâtre à la poésie, sans transitions, mais dans un mélange subtil de langue. Le dernier roman de l'écrivain marocain Mohamed Berrada mêle plusieurs procédés narratifs, à travers trois voix distinctes mais liées.  Nous pénétrons peu à peu la vie de Naïma, de Wariti et celle du fils de H'nia. Personnage réels ou fictifs, ils ont le don de nous ouvrir les portes d’un un univers  trop connu de nous Marocains et pourtant si fuyant : l'histoire du Maroc des années de plomb.
D’abord, la femme émancipée. C’est une hôtesse de l'air. Les voyages, la découvertes d’autres modes de vies, tout ceci justifie son ouverture d’esprit et de corps. Ensuite l’homme du peuple. Celui qui connaît le pays, à qui on le fait plus.  Enfin, le vieux politicien un peu spécial. Leurs destins se croisent. Leurs vies s’interpénètrent. Ils se parlent. Ils se racontent. Ils se disent le caché, le non-dit. Ils se confient et laissent couler leurs rêves, leurs espoirs, leurs passé.   Au fil des rencontres et des partages, se dessine l’image fluctuante d’un pays. Le Maroc défile alors en grandes enjambées avec ses contrastes, ses schizophrénies, ses folies passagères, ses drames, ses espérances. Ces voisinages sont une fenêtre ouverte sur un monde connu de tous les Marocains. Ces fameuses années 70, connus sous l’appellation galvaudée des années de plomb, mais en fait, ce sont des années noires pour tout un pays. Et Mohamed Berrada tente ici de rattacher ce pan important de notre histoire récente aux mouvances actuelles, sur fond d’un printemps arabe, tournée en cauchemar non climatisé pour plus d’un pays. Car au-delà du Maroc, il faut lire ici une spéléologie du Monde arabe avec ses ratages et ses attentes.  Vies voisines ce sont aussi une quête identitaires non seulement des trois protagonistes, mais de toute une population et au-delà de toute une communauté. Servi par une écriture sans compromis, ce roman, traduit de l’arabe place Mohamed Berrada,  comme l’un des écrivains marocains les plus profonds et les plus justes. Avec toujours cette maîtrise de son sujet sans la moindre faille.

  

Vies voisines. Editions Actes Sud.

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